samedi 12 septembre 2009

Singularités d'une jeune fille blonde **

Il ne reste guère que Manoel De Oliveira. Nos autres grands maîtres, défenseurs du cinéma intellectualisé, quasi centenaires, ont disparu l'année dernière, presque l'un après l'autre (Antonioni, Bergman). Monsieur Oliveira nous livre régulièrement sa réflexion de l'année, et questionne la culture. Cette fois-ci, il s'arrête sur une réflexion de Pessoa, le temps d'une nouvelle adaptée, pour mettre en illustration cette pensée: "Tout le mal du monde vient de ce que nous nous intéressons aux autres". Et la forme mérite commentaires ! Nous sommes premièrement très surpris de l'aspect narratif, qui nous rappelle un peu Bergman; nous spectateurs, en même temps qu'une dame dans le bus, sommes invités à entendre les malheurs qui sont arrivés à un jeune amoureux. Etrange intemporalité de ce film, pourtant sans référence chronologique marquée, mais les comportements rigides, presques risibles, sonnent désuets. Parfois, on pense à Dom Quichotte. La forme, c'est surtout celle d'une bluette que se permet le maître, on pense encore à "l'anglaise et le Duc" de Rohmer, autre spécialiste du désuet, en plus accessible cependant. Sans musique qui plus est. Ici la forme est volontairement courte, seulement une heure, un petit film de chambre pour un compositeur habitué aux symphonies, une nouvelle pour un écrivain goncourisé. Une petite fable, étrange et légèrement subtile, qui prend le temps d'exposer quelques vers de Pessoa, autre référence obligatoire de la culture lisutanienne, mais surtout une fable farce, clin d'oeil, ironique. Quelle charmante façon de filmer une embrassade ! Les visages, pourtant mis en valeur dans de nombreux portraits arrêtés, sont ici oubliés, pour laisser place à un jeu de pied évocateur. Ellipse charmante.
L'actrice principale, Catarina Wallenstein, au minois qui nous rappelle tout à la fois Britney Spears et Hélène de Fougerolles, est une inconnue en France, et n'est pas une habituée d'Oliveira, au contraire de son petit fils, Ricardo Trepa. Elle joue posée, gracieuse et élégante. On s'amuse de la quête amoureuse du jeune homme, qui très rapidement en vient à des projets de mariage, son but ultime qui lui vaut déboires et désillusions; l'homme fauché, mis dans la rue et à pied par son Oncle protecteur et influent, outré des projets de mariage, rencontre un bienfaiteur qui lui vaut fortune dans un premier temps, mais lui reprend tout aussitôt, profitant de sa naiveté.

 La providence repasse par là, la fortune l'attend de nouveau au Cap vert, et l'oncle rigide vire soudainement et réintroduit son brillant neveu; le tapis rouge au mariage et au projet de bonheur ! Quel bonheur ? Et très brièvement, très légérement même, l'ironie du sort ressurgit, et la pensée de Pessoa est mise en abîme avec un train qui passe, mais ne s'arrête pas. Rigolo. Au final, Oliveira nous livre ici un récit léger et accessible, presque didactique de son oeuvre entière.

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