jeudi 22 octobre 2009

le Ruban Blanc**

Dans le Ruban Blanc, Michael Haneke nous transporte en 1913 en Allemagne du nord dans un village protestant à la veille de la première guerre mondiale. Des évenements étranges sont survenus dans ce village. Un narrateur âgé, l'instituteur du village, nous raconte cette histoire qui s'est déroulée dans sa jeunesse pour lui apporter un nouvel éclairage. En effet plusieurs évenements restent inexpliqués : un médecin accidenté, le fils du baron malmené et un enfant trisomique dont on a tenté de crever les yeux ...

Haneke nous plonge dans un univers austère, filmé en noir et blanc, en costumes d'époque (à ce titre la reconstitution historique est parfaite de précision). La mise en scène est rigoureuse avec des plans très soignés. Un univers apparemment policé qui dévoile des pesonnages étranges et des enfants tourmentés. Une éducation rigoriste est donnée à ces jeunes allemands. Haneke nous dépeint des personnages viciés dans leur noirceur : un pasteur autoritaire, un régisseur violent et un médecin sadique. Ce sont les visages des enfants qui disent le mieux la peur et l'enfermement qu'on leur transmet. Contrairement aux autres films de Haneke, la violence est souvent hors champ, n'est pas démonstrative mais se cache derrière les portes. Haneke suggère plus qu'il ne montre. Une violence mentale est exercée sur les enfants. Le Ruban Blanc est un film où les bons sentiments sont absents, refoulés ou cachés pour reprendre un titre de ces films. La seule lumière vient de l'instituteur, qui raconte l'histoire, c'est un homme ouvert. Sa rencontre avec une jeune nurse du domaine va conduire le film parfois vers une dimension plus apaisée, plus romantique.

Haneke décrit également les rapports de pouvoir entre le baron du village et les simples fermiers. Il y décrit l'injustice qui conduira un homme au suicide. Les images violentes comme la pendaison d'un fermier sont furtives mais marquent les esprits. Parallèlement une enquète policière suit son cours sur les événements tragiques qui frappent le village mais ceux-ci semblent être un prétexte narratif pour explorer l'âme des habitants, l'âme humaine en général.


On peut noter la prestation remarquable des enfants. La signification du titre du film est assez simple. Le ruban Blanc est le ruban que le pasteur noue aux bras de ses enfants pour les purifier. Là encore l'idée du mal est récurrente dans les films d'Haneke. Sauf que, dans ce film, on ne soigne pas le mal mais on l'entretient ou on l'invente. On peut voir à ce titre une critique du protestantisme dans ce qu'il a d'extrême et de systématique.

Voir ici la bande annonce

Court Métrange

Festival rennais du
court métrage insolite et fantastique


Le Ruban blanc **

dimanche 18 octobre 2009

Eclair de Jesco White, Von Trier D'or *****


Cannes décerne chaque année ses Palmes, Dinard remet ses Hitchcoks à ses lauréats.
Pourtant, avec White Lightnin', littéralement "Eclair blanc" ou plus justement l'éclair Jesco "White", Dominic Murphy aurait mérité plus encore un Von Trier d'or (mais non un Dogma d'or). Car si cette œuvre a de quoi effrayer, angoisser, la référence à Hitchcock est bien trop lointaine; la lignée est ailleurs. Nul suspense, nulle intrigue; en lieu et place un simple destin, un destin simple, celui de Jesco White, danseur illuminé de tap-danse, danse des montagnes, tiré d'une histoire vraie. La trame chronologique choisie s'avère parfaitement didactique; le spectateur se voit tour à tour exposer d'une part les causes, le contexte social et familial, par ailleurs dans une parenthèse enchanteresse une incursion dans le réel, le concret, la vie rédemptrice, et d'autre part les conséquences, les actes. Le mot n'est jamais prononcé mais le film questionne en permanence la maladie mentale, une psychose schizophrénique vraisemblablement. Le plus plausiblement, nous interprétons que la maladie se déclenche contextuellement, tout d'abord par un climat social difficile et asphyxiant, de celui qui nous fait dire "ce n’est pas gagné d'avance" ou "y'a du boulot". Tout est presque perdu d'avance à vrai dire, et la tâche semble insurmontable. Loin du confort bourgeois, loin des strass et paillettes d'une enfance châtelaine qui nous est si souvent contée, nous nous trouvons ici face à une vie à la marge, faite d'incertitudes, de difficultés à joindre les deux bouts, de dureté dans les rapports, de débauches fréquentes, de dérèglements : l'enfance de Jesco White lui appartient pleinement, si ce n'est cette lignée paternelle, ce don de la danse que lui enseigne son père; Jesco sera le dernier danseur des montagnes appalaches.


Dans ce contexte précis, fuir, s'échapper, intègre tout naturellement le quotidien d'un enfant de 6 ans, livré à lui même, livré à ses démons (Le diable probablement dirait Bresson), l'essence humée procure avec facilité cette nécessité de l'ailleurs, ce besoin d'apaisement. L'addiction naît, peut-on dire, en conséquence. Pourtant celle-ci en retour produit ses effets, l'absence de construction mentale, l'absence de repère, ce "no limit" qui légitime la violence et les excès, l'agissement sans discernement de ces notions essentielles que sont le Bien et le Mal ici confuses et récupérées: les sens perturbés par l'essence, l'essence de la vie évaporée, l'essence d'une déraison contre laquelle la société lutte; centres de rééducation en substitut; le démon doit être maté; la violence éducatrice en réponse à la violence. Cause ou conséquence, à chacun d'essayer d'y voir clair, car Dominic Murphy opte pour la confusion du genre et s'écarte de toute entreprise de dénonciation, de toute poésie élévatrice - la comparaison avec Birdie ou Vol au dessus d'un nid de coucou est vaine -, de toute construction manichéenne et pourtant il ne joue aucunement sur les nuances, il donne la parole au délire, parti pris rare, sans distance. Le narrateur décrit lui même sa confusion psychiatrique, y mêle un mysticisme emprunt aux dérives sectaires, aux messages appuyés par des réécritures, réinterprétations de références religieuses. De la confusion des genres naît la confusion des sens qui nous est exposée, nous mène de fausses pistes en fausses pistes - et pourtant l'effet de surprise ne devrait exister, car tout est dit, tout, une chose mais aussi son contraire. Les paradoxes sont innombrables, notre cerveau est invité à analyser, encaisser devrait-on dire, des signaux contradictoires qui jouent sur l'ensemble de nos cordes sensibles: amour, haine, violence, rédemption, vengeance, lutte intérieur; tels sont quelques sentiments que le récit traverse, dans ce qu'il serait honnête d'appeler un voyage psychiatrique. Tout comme "Breaking the wave", la narration se construit en tableaux, dans une photographie tout simplement magnifique. Maestria.


Le personnage principal parvient à nous être parfois sympathique, nous en sommes amenés à compatir, et il convient ici de relever l'interprétation exceptionnelle d'Edward Hogg, au regard de chien battu, de chien fou, crédible dans les sensibles instants, les meilleurs mais aussi et surtout les pires, qui nous rappelle par exemple la révolte lue dans le regard de Daniel Day Lewis dans "Au nom du père".




Nous avons tu jusqu'alors que le film ne peut être visionné par tous, et nous devrions aussi dans ce cas aussi taire que le film est une véritable épreuve pour le spectateur, épreuve sensuelle radicale, que d'aucuns qualifieront de prises d'otages, épreuve insoutenable tant la violence y atteint des sommets inégalés, à faire passer "Irréversible" pour une production Walt Disney, épreuve dont on ne sort pas indemne, épreuve qu'il convient cependant de nommer de son nom: chef d'œuvre notoire, comme l'était "Orange Mécanique" en son temps.

N'en déplaise à tous ceux que la radicalité rebute, ce film est l'un des meilleurs du genre; la provocation permanente des sons et des images dérange au final peut être moins que l'intégration aseptisée des dérives psychiatriques en poivre et sel de vinaigrettes fadasses et conventionnelles. Quand la violence est le sujet, elle est légitime. La fonction cathartique n'est pas assurée cependant: interdisons, par précaution, ce chef d'œuvre aux âmes qui se laisseraient perturber.




vendredi 16 octobre 2009

500 jours ensemble **

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500 jours ensemble est le premier long métrage de Marc Webb. Cet ancien réalisateur de clips (pour les groupes Maroon 5 ou Evanescence entre autres) est passé à la réalisation de films. Il met en scène Tom un jeune publicitaire qui va avoir un coup de foudre pour Summer la secrétaire de son patron. Nous sommes donc en présence d'une comédie romantique qui refuse de tomber dans la mièvrerie ou la banalité par le choix d'une mise en scène ludique et pleine de surprises. Pendant 500 jours nous voyageons dans la mémoire de Tom qui repasse les différentes étapes de sa relation avec Summer : de la première rencontre à la rupture. Tom est un idéaliste de l'amour tandis que Summer ne croit pas au grand amour. De cette divergence naitront les premières difficultés de leur relation. Comme le dit la voix off du film : "ce n'est pas une histoire d'amour mais un film qui parle d'amour".
Pendant ces 500 jours nous ferons des allers et retours dans les souvenirs de Tom, les moments d'euphorie, les jours tristes, les blessures puis les haines essentiellement de son point de vue On peut voir le film comme une étude des états amoureux mais traitée d'une manière ludique. Ce film est tout d'abord un bon divertissement issu du cinéma indépendant américain. On peut noter également la place importante accordée à la musique. Une bande originale très pop ajoute des couleurs au film. Et puis les personnages eux-mêmes parlent musique , des Smiths de Ringo Starr, chantent les Pixies à un karaoké. A ce titre le film fait référence à un autre succès du cinéma indépendant Juno où on parlait musique également.
500 JOURS ENSEMBLE - BANDE-ANNONCE VF



lundi 12 octobre 2009

Dinard, 20eme, bon millésime !




Nous avons couvert le festival 2009 de Dinard, qui, cette année, fêtait ses 20 ans sous l'œil bienveillant du grand Alfred, dont la nouvelle statue a été inaugurée.

La programmation, le jury, les participants ont été à la hauteur de cette anniversaire.

Nous avons assisté à l'ensemble du festival -cérémonies et projections- et aussi pu interviewer, notamment, Jean-Pierre Lavoignat (sans qui "Première"et "Studio" n'existeraient pas) ainsi que Zoé Felix (interprète de l'excellent Déjà Mort mais aussi des succès records Bienvenue chez les Ch'tis et Clara Sheller) mais aussi des membres lambda du public -sans qui le festival ne serait pas.



Le prix du jury White lightnin', film à qui Irréversible, de Gaspard Noé, n'a rien à envier tant par son propos que son esthétique insoutenables, créé la polémique. Le choix du public, lui, est diamétralement opposé, s'orientant vers l'optimiste et la gaieté avec le documentaire Sounds like teen spirit. Enfin, le prix du scénario, Jean Charles, en associant virtuosité romanesque et faits inspirés d'une réalité politique nous a particulièrement touché.



Par ailleurs, d'autres films, toutes catégories confondues, sont de très haut vol et méritent toute l'attention d'un large public, notamment les provocants Ivul, An education, ou bien encore She, a chinese, en compétition.




Dans un registre plus léger mais moins réussi, Lesbian vampire killers et The calling ont déclenché un enthousiasme spontané et contextuel dans la salle...

dimanche 11 octobre 2009

Au voleur : L'échappée belle

Au voleur marque une des dernières apparitions de guillaume Depardieu à l'écran . Dans ce film , on le retrouve dans la peau d'un voleur qui va rencontrer une jeune professeur d'allemand incarnée par florence Loiret-caille .ils vont se plaire mais très vite , la vie hors la loi de Depardieu va les contraindre à prendre la fuite .C'est le début alors d'une cavale amoureuse dans une forêt près des bords de Seine .Le fim va prendre un ton naturaliste . On sort du décor initial , d'une ville de banlieue d'Ille de France pour s'immerger dans la nature .Les deux amants quittent alors le monde social pour s'aimer en toute liberté .D'ailleurs ils se savent traqués par la police .Mais cette menace ne les empêche pas de vivre au jour le jour . L'histoire pourrait avoir des allures de film policier mais la réalisatrice se concentre surtout à filmer un couple qui doit vivre dans un environnement étranger .Une réelle complicité s'opère entre les deux comédiens qui incarnent des personnages sensibles et attachants .Attachant est le qualificatif qui convient bien au rôle de Depardieu :personnage à la fois vulnérable très crédible en marginal à l'humanité décelable dans le regard , dans son attention portée à la vie . On avait déja vu Depardieu dans Versailles jouant le rôle d'un sdf prenant sous son aile un petit garçon . Guillaume Depardieu incarnait à la perfection les personnages en marge , à hauteur d'homme qui savait jouer avec leurs failles tout en conférant à ses personnages une véritable force .Depardieu avait comme son père une gueule de cinéma mais il avait surtout une beauté étrange et l'âme d'un poête .

Le film est à la fois empreint d'une dimension sociale ( la jeune prof d'allemand enseigne en z.e.p)et d'une dimension naturaliste (les paysages de forêt ).La partie la plus intéressante plastiquement est la partie naturaliste oû la nature est sublimée .Cette cavale parfois aux airs bucoliques rappelle les films de Terence Malick et principalement badlands oû là aussi il est question d'un couple en cavale .Mais surtout Malick est le cinéaste naturaliste par excellence et apparait comme un modèle pour la réalistrice sarah Leonor .On peut parler aussi de la bande originale qui colle très bien aux plans et à l'atmosphère d'évasion du film .On retrouve un mélange de musique folk , country (woody guthrie )et des percussions algériennes . Une musique et des ballades qui renvoient à un certain imaginaire américain .Je ne dévoilerai pas l'issue de la cavale mais je peux juste dire que la pirouette finale fait penser à A bout de souffle .Depardieu a tiré sa réverence d'une belle manière . On regrettera de ne plus le voir aujourd'hui pour ce qu'il avait d'unique et de sauvage ,d'humain et d'indécelable .